Alternative politique de transformation sociale et écologique
Des acteurs de l’économie solidaire et des associations citoyennes m’ont sollicité, me questionnent sur la forme que pourrait prendre une dynamique de transformation sociale et écologique.
Les questions posées portent sur les formes politiques que pourraient prendre cette dynamique :
Le projet politique alternatif d’une « Alliance des forces de vie » initiée par la société civique ;
La constitution d’une alliance de transformation de la vie sociale, politique, écologique et solidaire initiée par la société civique qui, à partir des engagements citoyens, formulerait un projet de nature « politique » mais non partidaire.
La proposition d’un altergouvernement
Je souhaite apporter quelques remarques.
Je pourrais dire que le ton global me convient, et je le dis : cet appel à une résistance, dans un sentiment d’urgence, et dans une perspective ouverte, mettant au cœur l’engagement citoyen à la solidarité.
Je ne veux ni jouer sur les mots, ni mettre en avant des perspectives de transformations radicales. Mais il me semble que, tout en demeurant ouvert et rassembleur, susceptible de « tisser » des espérances et des utopies concrètes, l’appel pourrait être plus précis dans ses déterminations.
L’urgence d’une résistance est ce qui anime déjà nos initiatives solidaires.
Ici, ce qui est mis en avant c’est « l’urgence d’une résistance à la hauteur des enjeux ». Il me semble que pour maintenir le niveau de « dramatisation » de l’appel il faut désigner plus précisément les enjeux majeurs ; des enjeux que nous ne nous contentons pas de nommer mais vis-à-vis desquels nous avons des positions à avancer. Résister de façon plus conséquente c’est peut-être aussi donner plus de puissance collective à nos alternatives. Il nous faut préciser le moment actuel de dérèglement pour le situer tout à la fois par rapport à l’approfondissement d’un néo-libéralisme qui n’a pas fini de nous surprendre et par rapport à des débuts de « règlements » porteurs de transitions éco-socio-écologiques que nous avons contribués à mettre en débat dans l’espace public.
L’urgence d’une résistance pourrait d’abord s’inscrire dans une dénonciation de la remise en cause de tous les dispositifs de concertation, convention citoyenne, délibération sur les « grands projets ».
N’avons nous pas déjà un peu le sentiment que nous avons commencé à basculer vers un régime autoritaire – Le macronisme est désavoué dans les urnes au moment des dernières législatives et Macron continue de gouverner…- ? En tout cas, nous sommes depuis un moment déjà dans un régime austéritaire par une dictature de la dette.
Pour échapper à cette « dictature » on ne peut que proposer une articulation des enjeux pour mettre en avant les conditions à mettre pour que nous portions collectivement et mutuellement une dette commune. Toutes nos initiatives solidaires et de transition écologique sont des engagements collectifs à porter une dette commune. Si on énonce les enjeux en termes plus généraux que généreux, en les juxtaposant sans les mettre en relation de causalité entre eux, on se voit répondre, vous avez raison mais on n’a pas les moyens, la dette, toujours la dette.
A propos de la « constitution d’une alliance », je pense que ce terme d’alliance ne correspond pas à ce que l’on pourrait désirer comme projection commune. Il est tellement galvaudé par ses acceptions politiques minimalistes, alliances électorales, alliances militaires, alliance de l’atlantique nord….
Nous devrions nous interroger sur ce qui a réellement impacté le champ politique ces dernières années.
Beaucoup de nos initiatives s’appuient sur des possibles démocratiques qui résultent des moments politiques de forte mobilisation qui placent au coeur de ces mobilisations les classes populaires (la Résistance, puis la convergence démocratique qui porte la période de la Libération) qui ne doivent pas tout ni à un parti, ni même à une alliance momentanée (le Front Populaire, par exemple).
Plus récemment, il a fallu la mobilisation des « gilets jaunes » pour qu’un mode d’assemblée délibérative soit envisagée avec les conventions citoyennes, pour être ensuite déniées.
Une possible arrivée de l’extrême droite en juin dernier a été contrecarrée par la dynamique du Nouveau Front Populaire. Un front qui dépassait les appartenances partidaires pour proposer des orientations susceptibles d’engager un mouvement pour une alternative de justice sociale en même temps que de transition écologique. Ce front n’a pas trouvé à s’incarner dans les écosystèmes et les territoires locaux.
Pourtant on sait la forte résonance dans ces mêmes territoires locaux des mobilisations citoyennes allant même jusqu’à mettre en avant la perspective de listes citoyennes.
S’agissant des écosystèmes et territoires locaux je m’interroge. Quelles sont les dynamiques spécifiques de « convergence », de « tissage de nos éventuelles initiatives en capacités de former des alternatives en phase avec les acteurs sociaux spécifiques aux territoires?
Les positions alternatives et la façon d’envisager des convergences reposent sur des approches plus générales que génériques peu ancrées sur les spécificités socio politiques de ces territoires, peu contextualisées. Et si l’on parle de co construction, c’est en fait toujours avec ceux et celles qui sont déjà gagné.es à une perspective plus « solidaire », plus « démocratique », plus « écologique », mais sans que cette perspective ne soit vraiment explicitée.
Il me semble que ce travail de compréhension fine des territoires, dans leurs spécificités, n’est pas vraiment fait. Je ne veux pas ici porter jugement sur les acteurs de l’économie solidaire, ni donner des leçons en la matière. Je ne prends pas à la légère le fait de permettre à des porteurs d’initiatives dans la précarité de leur mobilisation de se construire en véritables acteurs socio politiques intervenant sur leur espace publique.
Mes interrogations sont nourries de mes implications dans quatre contextes/milieux/écosystèmes/territoires. Ces contextes présentent des différences que ne prennent pas suffisamment en compte les alternatives que nous tentons de co construire avec leurs « agents » spécifiques, si tant est que ces derniers soient eux-mêmes construit.es en acteurs politiques plus qu’en « participants ».
Le premier est celui d’une grande métropole, la MEL pour dire vite qui ne se comprend que si on se place dans une rétrospective historique. Nos alternatives parlent aux couches moyennes supérieures en plein déclassement socio économique.
Le deuxième est celui d’une partie centrale du Bassin Minier, Lens-Liévin, un contexte où le lien avec les acteurs syndicaux, CGT en particulier, s’imposent en même temps qu’avec les associations d’éducation populaire qui maintiennent elles-mêmes des liens avec ce qui reste de « mouvement ouvrier ».
Le troisième est celui de la Flandre Intérieure, où je vis désormais. On n’y échappe pas aux relations à établir avec ce que j’appelle le « peuple libéral ».
Le quatrième est largement déterritorialisé, c’est celui des « acteurs culturels », artistes et autres « travailleurs de la culture » qui ne savent plus quel monde habiter.
Comment mieux comprendre ce qui se jouent déjà et pourraient se jouer dans ces quatre contextes ?
Comment tisser les alternatives et faire converger les mobilisations qui s’expriment dans des attentes et des expressions différentes ?
Plutôt que d’avancer les termes abstraits de société civique et d’altergouvernement ne devrions nous pas mettre en débat les mobilisations et moments politiques qui ont montré des capacités de puissance collective alternative ; le faire en sollicitant les expressions politiques partisanes sans s’en remettre à elles ?