Franche / Connexion, théâtre du peuple à Montigny en Gohelle

Franche/Connexion est une compagnie de théâtre implantée à Montigny en Gohelle, dans la communauté de communes d’Hénin-Carvin. Elle développe ses activités dans les locaux d’une ancienne école que la municipalité met à sa disposition. Au centre de cette petite ville anciennement minière « L’école buissonnière » est un lieu accessible. Devant lui s’étend une grande place permettant un accès facile. Son nom, l’école buissonnière, s’étale de tout son long sur la façade du bâtiment. Derrière lui, un jardin permet d’autres accès. Les conditions sont réunies pour que la compagnie puisse développer ce que Stéphane, metteur en scène, Thomas, administrateur de production et Lucile, chargée de production, appellent un « théâtre de proximité ».

La salle de spectacle située au rez de chaussée est petite, avec une jauge de 35 personnes. Mais toute l’activité de la compagnie ne se réduit pas à l’exploitation de la salle de spectacle. Une autre salle, plus grande, à l’étage, est tout aussi importante. C’est d’abord un espace de convivialité, une cuisine tout autant qu’un espace confortable propice au travail collectif de création, à la conversation, à la lecture partagée. C’est là que les spectacles se mettent en œuvre commune, par l’association des professionnel.les de la compagnie et des « amateur.es ». S’impliquer et participer veut dire, pour 35 d’entre elles et eux, de se réunir tous les jeudis soir pour créer le futur spectacle. Mais, rejoints par d’autres, ce pourra être d’autres implications dans la conception et la mise en œuvre du spectacle : préparer la salle et les décors, fabriquer les costumes, accueillir et faire à manger aux participants, tant acteurs que spectateurs. Dans l’esprit du Théâtre du Peuple de Bussang, dont Franche / Connexion se revendique, professionnels et amateurs montent sur scène ensemble ; une scène qui, comme à Bussang, s’ouvre sur son environnement extérieur.

Ce collectif embarqué dans l’aventure de ce théâtre de proximité se compose de plus de femmes que d’hommes. Tous les âges sont représentés, même si les plus jeunes se font rares. Beaucoup, notamment parmi les femmes, viennent des métiers du soin. Infirmières, aides-soignantes voisinent avec des enseignants, des salarié.es de structures culturelles, quelques cadres. Mais, tous partagent les conditions des milieux populaires. Le théâtre de proximité a son « noyau dur, qui fait famille parce qu’ils ont vécu des choses fortes… ».

Promouvoir un théâtre de proximité ne veut pas dire se cantonner à des activités circonscrites dans un lieu, aussi accessible soit-il. Pour la compagnie cela veut dire aussi, ensemble et avec l’implication active de ces 35 amateurs, de participer à des spectacles produits par des compagnies voisines, souvent alliées ; des spectacles dans le territoire local, mais aussi en Avignon, mais aussi à Bussang.

L’implication des usagers dans la vie d’une compagnie de théâtre implantée comme France / Connexion à Montigny en Gohelle, cela signifie :

-Un engagement durable d’un groupe d’amateurs dans la vie de la compagnie et l’animation du lieu ;

– Une participation réelle et continue à des activités culturelles, comme réaliser le repas pris en commun,

– L’association des « professionnels » et des « amateurs », permettant la co programmation, la co création des spectacles ;

– Un travail commun de création qui en arrive à ce que certain.es, parmi les participant.es, commencent à avoir leur propre projet de création qui émerge du travail collectif sur le projet de spectacle qui les rassemble (Cyrano, Peer Gynt, Richard III,etc.), l’exemple en sera ici Sandra, assistante sociale avec permis poids lourds, qui commence l’écriture d’un spectacle à partir de la « déconstruction du regard des mecs » ; elle le fait par un partage avec d’autres femmes du collectif.

L’implication des usagers prend ici la forme de solidarités (perma)culturelles locales.

Elle est rendue possible par des financements qui associent de la « Résidence longue de territoire » (Région Hauts de France), du « budget citoyen » (Département du Pas de Calais) et de conventions pluriannuelles (communauté de communes). Mais elle bénéficie de synergies et de coopérations avec les médiathèques locales, en réseau. Elle bénéficie aussi de coopérations actives avec d’autres compagnies implantées du voisinage. Tout cela se traduit par des co productions et des co diffusions qui rendent possible la circulation de ce théâtre de proximité, par une mise en festival de ces productions sans pour autant se limiter à la gestion d’un lieu et d’une structure de diffusion.

Les « animateurs » de Franche / Connexion (ceux qui donnent vie à la compagnie), professionnels qualifiés, sont aussi des « intermittents du spectacle » implantés et impliqués dans la vie de la cité, tout en contribuant à d’autres compagnies et des structures culturelles du territoire et d’ailleurs.

« Travailler ici, avec ce collectif, c’est un vrai plaisir ; le théâtre c’est la vie… ».

Entretien avec Marjorie de France / Connexion

Marjorie fait du théâtre depuis ses 15 ans.Il y a maintenant plus de dix ans elle a répondu à une annonce dans le journal local. Stéphane Titelein metteur en scène qui travaillait au Centre Eiffel de Carvin cherchait des amateurs / professionnels pour monter Cyrano de Bergerac. C’était le début d’une collaboration qui s’est poursuivie sur plusieurs spectacles. Toujours en lien avec le collectif d’amateurs professionnels qui s’est ainsi formé, la création de Franche / Connexion et l’implantation à l’École Buissonnière ne l’ont pas désorientée, au contraire. « Je connaissais le lieu pour avoir été, avant, l’école Pasteur, où sont allés les membres de ma famille. A l’implantation de la compagnie j’ai aidais à peindre, j’y ai fait, et continue à y faire, beaucoup de choses », nous dit-elle. La marraine de la compagnie n’est autre que Corinne Masiero : « Elle n’a pas être présente il y a 7 ans à l’inauguration de cette implantation mais elle nous a adressé un message chaleureux. Elle a été au cœur d’un de nos spectacles pour lequel elle avait « carte blanche » ».

« On participe à toutes les activités, aussi bien sur les spectacles eux-mêmes qu’avec les professionnel.les ; les frontières entre les uns et les autres s’effacent ».

« Ce qui me plaît encore plus c’est que j’ai pu monté des projets de spectacle. C’est le but de la compagnie et de l’école buissonnière que les participants de notre collectif montent leurs propres spectacles. Je l’ai fait avec une copine du collectif autour des violences faites aux femmes depuis l’enfance. On a monté notre spectacle. On a engagé une comédienne professionnelle. On a conçu le spectacle, on a fait des répétitions. On a joué le spectacle à l’école buissonnière, mais aussi à la médiathèque de Courrière qui a une grande salle, ailleurs aussi, sur le territoire. On a bénéficié du collectif, d’une aide à la mise en scène, de l’apport de techniciens son et lumière. On a eu une aide financière de la compagnie et grâce à une tombola organisée localement ».

« Je participe aussi aux « lundis en coulisse » où on lit ensemble des textes écrits et édités mais pas encore joués. Au départ c’est réservé aux pro, mais en fait tous ceux du collectif qui le souhaitent peuvent y participent. C’est pas évident, mais, moi, c’est un exercice que j’aime bien ».

« Je ne suis pas la seule de ce collectif à développer des créations en même temps que l’on prépare le spectacle de la compagnie. Ensemble on s’implique aussi dans les autres structures, compagnies locales, en allant voir les pièces des autres ».

« Pour moi, au plaisir de faire du théâtre, s’ajoute la convivialité ».

« Enseignante pendant une dizaine d’années, je suis en reconversion professionnelle. Ce qui m’a permis de me développer personnellement dans le théâtre est au cœur de mon projet de reconversion ; j’y intégrerai du théâtre, d’une façon ou d’une autre ».

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