Vers des Assemblées et Chambres des Communs ?
« Construire dans l’action l’assemblée des communs (Lille/Hauts de France) », c’est ainsi que se dénomme une initiative d’acteurs sociaux du Nord de la France, en fin 2015. Depuis lors, cette initiative a été reprise par plusieurs villes et régions au point que plusieurs sites sont venus rejoindre ceux créés tout d’abord à partir de l’expérience lilloise. Les groupes « Facebook », « Assemblées des Communs de Lille », puis « Assemblées des Communs Francophones », restituent une expérience de plus d’un an déjà. Ainsi, le 23 juin 2016 s’est tenue à Lille, la neuvième Assemblée, en un an d’existence.
L’idée de départ de cette initiative lilloise est la reprise dans le milieu des tiers lieux lillois d’un début de définition donnée par Michel Bauwens au titre de la « Peer to Peer Foundation » qu’il a créée depuis quelques années. Dans le « wiki » porté par la plateforme développée par cette P2P Foundation, l’assemblée des communs est ainsi définie1 :
« Les assemblées sont constituées à l’échelle locale des « porteurs de communs » que sont par exemple les tiers-lieux, ainsi que d’autres projets alternatifs, solidaires… »
Elles se donnent comme objectif :
De répertorier et diffuser les actions liées aux communs, d’aider à mettre en lien les communs, etc…
De gérer la relation aux collectivités et institutions pour définir au cas par cas le cadre de ses actions et des actions de la collectivité (sur la réappropriation de l’espace public par exemple). L’enjeu étant de faire respecter le pacte démocratique.
De coordonner et populariser l’accès, la défense contre les enclosures et le développement des communs sur leur territoire, en élaborant puis en faisant vivre démocratiquement une charte sociale des communs…
De donner des avis sur les communs qu’elle protège et de tracer les choix des élus politiques qui ont signé le pacte démocratique.
D’animer le débat sur les questions des communs, d’organiser des événements et rencontres sur le sujet qui la concerne.
De faire le lien avec la Chambre des Communs qui organise les activités économiques autour des communs. Cette chambre permet d’établir une relation coopérative gagnant – gagnant. Pour cela, elle demande aux acteurs économiques de participer à la rémunération des communs en contrepartie de l’utilisation des ressources et savoirs partagés issus des communs
II faut légitimer cette assemblée et lui donnant un cadre et des missions claires et en les intégrant dans un nouveau pacte signé par les élus. Chaque assemblée pourrait commencer par un acte un peu symbolique d’assemblée constituante, en charge de :
Définir sa gouvernance
Définir son rôle et les limites de ce rôle (Communs de la connaissance (éducation, culture), Communs des ressources naturelles (agriculture, écologie, énergie), Communs de l’espace public et la mobilité (urbanisme, ruralité, etc…), Communs de la santé et du bien-vivre (intergénérationnel, accès aux soins, …)…
Ecrire une sorte de texte fondateur) : repartir de l’exemple en Italie avec la charte des communs urbains et la charte autour de la santé
Depuis 2015, des assemblées des communs commencent à se constituer sur les territoires francophones :
Site francophone : https://assemblee.lescommuns.org/
Wiki francophone : http://assemblee.encommuns.org/
La dynamique créée autour de cette première assemblée, puis de celles créées en France, est manifeste.
Les réunions se tiennent sous la forme d’une assemblée plénière qui fait le point sur les « communs » représentés, puis sur l’actualité des événements cadrant avec cette logique d’action et de mobilisation. Ensuite, s’ouvre une session faite d’ateliers tenus en parallèle sur les différentes thématiques permettant de faire avancer chacun des communs dans leur construction et leur institution, et l’ensemble du mouvement de fédération et d’institution des communs, par exemple un atelier sur le « code social » de l’assemblée des communs.
En fait, comme le précisent les acteurs investis dans ce projet d’assemblée des communs (cf. les sites et pages Facebook qui en rendent compte), il faut considérer que, dans le contexte lillois mais aussi dans les autres expériences françaises, il s’agit davantage d’une assemblée de préfiguration de ce que pourrait être une assemblée des communs. Et, c’est bien normal au vu de la nouveauté des communs construits et de la réalité des communautés supposées correspondre à ces communs.
Il s’agit plutôt d’un groupe projet, certes composée d’innovateurs constructeurs de communs, mais principalement et, peut-être transitoirement, dans une posture de techniciens en développement de projets et d’outils d’accompagnement de ce que pourrait être une assemblée des communs.
Sur base d’un compromis politique assez flou et mal défini, les premières tâches entreprises sont essentiellement tournées vers la conception d’une infrastructure technique de la part de personnes maitrisant les technologies web open source.
La conception du cadre politique et son infrastructure de gouvernance démocratique n’est pas encore véritablement posée, dans les termes d’une assemblée constituante.
Les outils présentés comme initiant un début de construction de modalités de gouvernance sont davantage des outils de gestion de projet. C’est le cas de l’outil Loomio. Ils sont davantage des outils de conception, ou d’aide à la résolution de problèmes de conception que des supports d’une délibération démocratique qui n’est pas encore vraiment problématisée en tant que telle. Une gouvernance démocratique qui garantisse la libre expression de tous et la décision démocratique peut-elle se réduire à un assemblage d’outils, de plus s’interfaçant quasiment automatiquement ? Le fait que ces outils soient développés en open source ne change rien à l’affaire. Une gouvernance démocratique peut-elle se dispenser de la délibération au sein d’une communauté dont la composition suppose d’être réfléchie et légitimée, et de dispositifs de délibération qui permettent le travail d’argumentation et de décision, éventuellement en différé et en assemblée virtuelle dans certains cas, mais aussi en direct.
Cette possible confusion entre outils de conception de projet et outils de délibération démocratique entraine des ambiguïtés dans le développement des plateformes censées être des supports à la « publicité » et au développement des assemblées des communs. Elle risque de faire passer les considérations techniques avant les besoins de conception des modalités de délibération et décision démocratiques. Ces modalités passent par la définition d’un cadre et d’une ligne éditoriale qui garantisse le sens d’une gouvernance qui ne se réduise pas à un pilotage technique aux mains de spécialistes.
Dans un tel cadre les questions qu’une gouvernance qui se veut démocratique oblige à se poser portent davantage sur les conditions de la participation des communs à l’Assemblée, pour quelle délibération démocratique : quels communs sont-ils représentés, par qui et au terme de quelle discussion interne aux communs, par quels dispositifs délibératifs, argumentatifs, décisionnels, la gouvernance s’exerce-t-elle ?
Toutes ces questions sont abordées lors de ces assemblées ou dans les différents débats portés par les sites et leurs pages « wiki ». Il en est ainsi par exemple de la question du « pacte démocratique » que suppose ne fédération des assemblées des communs pour les rédacteurs mobilisés par cette perspective.
Mais si une dynamique semble s’affirmer quels en seront les débouchés, notamment en lien avec les débats qui se font jour au sein des institutions publiques et dans ce qu’exprime la crise de l’action publique.
http://wiki.lescommuns.org/wiki/Assemblée_des_Communs_de_Lille