La communauté des Tiers Lieux en Hauts de France, avec la Compagnie des Tiers Lieux
Une enquête menée auprès des acteurs porteurs de tiers lieux en gestation nous permet d’approfondir ces premières interrogations. Le collectif « Catalyst », composé d’une vingtaine d’acteurs promoteurs des premiers tiers lieux créés dans l’agglomération lilloise, est l’animateur d’une action de soutien à la création de tiers lieux. Cette action consiste en l’organisation d’événements appelés « Meet Up Tiers Lieux », quatre fois par an depuis 2014. Ces événements prennent la forme de réunions de travail réunissant à chaque fois une trentaine de personnes. Les projets potentiels de tiers lieu étant repérés, il est proposé à leurs instigateurs d’en faire la présentation et de soumettre le projet à la discussion des pairs. En effet, l’organisation du travail de réflexion collective sur les projets des uns et des autres, menée par des méthodes dites d’intelligence collective, est un élément décisif de ce type de mobilisation. Les porteurs de projet font état de leurs avancées, de leurs choix d’activités et d’organisation de ces activités, de leurs questions, etc. Certains points clés de ces projets sont alors abordés lors d’ateliers qui se tiennent dans la continuité de ces présentations.
De l’observation participante, lors de ces événements, il ressort plusieurs enseignements. Tout d’abord, l’idée du lieu, la première conception de ce qu’il pourrait être, des activités qu’il pourrait permettre et le choix de la localisation apparaissent dans tous les cas dépendantes de la formation préalable d’un groupe de personnes formant une communauté plus ou moins intégrée. Il faut reconnaître ici que l’opportunité de se soumettre à la discussion et le soutien apporté par le collectif Catalyst, à travers ces événements Meet Up orientent dans une certaine mesure la présentation du projet et l’importance donnée à sa communauté initiatrice. Mais les cas présentés et discutés lors de ces réunions montrent des dynamiques d’initiation et des initiateurs plus diversifiés que ce simple modèle de la communauté d’acteurs telle que caractérisée précédemment.
Deux autres dynamiques sont également représentées lors de ces « Meet Up ». D’une part, des initiatives, tout autant privées, mais totalement individuelles dans un premier temps. Des particuliers font état de la disponibilité de locaux dans lesquels ils ne souhaitent pas développer des activités seuls mais en lien avec d’autres personnes qu’ils s’efforcent de rassembler autour d’eux, sans que cela s’opèrent dans le cadre de relation salariale, commerciale ou de la constitution d’une entreprise ordinaire. Ils espèrent alors que la communauté rassemblée lors de ces réunions Meet Up leur facilite la rencontre de co-porteurs d’un projet que les initiateurs isolés veulent rendre collectif. Cette logique d’action traite d’une façon originale une question que se posent les initiateurs de lieux, les communautés toutes constituées comme les porteurs de projet de lieu plus individuels, qui est celle de la garantie de la pérennité du lieu par le recours à une location mais avec un bail suffisamment long ou par l’achat de ce même lieu. Dans les deux cas, cette question fait l’objet d’intenses discussions et d’une recherche de solutions qui soient compatibles avec les finalités et les possibilités des acteurs engagés et donc autre que l’éventuel recours à un opérateur individuel, acheteur ou locataire unique. Dans tous les cas, les opérateurs de la finance solidaire sont des partenaires sollicités lors de ces assemblées. Une autre dynamique commence à se faire jour. Elle met au premier rang de l’initiative des élus locaux soucieux de voir de tels lieux se développer dans leur collectivité territoriale. Certes, ces élus locaux, présents aux Meet Up font état de l’existence d’une demande qui leur semble émaner d’acteurs de leur territoire. Mais, ils envisagent d’y répondre en empruntant d’autres chemins que les processus de l’action publique de création d’espaces spécialisés ; que ce soient par exemple des médiathèques, des Cyber centres et autres espaces dédiés au Numérique.
Ces Meet Up ont vu se fédérer aux premiers projets de Tiers Lieux, plus spécifiquement créés comme espaces de coworking des projets consistant à transformer des espaces existants en potentiels Tiers Lieux. C’est le cas d’espaces numériques et autres Cyberespaces créés dans un premier temps à l’initiative de collectivités territoriales. Plusieurs raisons, tenant notamment au désengagement des collectivités territoriales pour ces espaces, ont abouti à ce que ces espaces soient dans la nécessité de trouver des nouvelles finalités, de nouvelles activités et d’autres ressources permettant leur viabilité économique. Il en est de même avec les centres sociaux. Il en est aussi de même de lieux culturels, préalablement institués come lieux de diffusion culturelle, et qui prennent la voie d’une redéfinition de leur raison d’être.
La plateforme ouverte de partage d’expériences que constituent ces Meet Up permet cette fédération des initiatives en même temps que la mutualisation et le partage de ressources communs.
Plus récemment, la communauté des porteurs de projets de Tiers Lieux s’est constituée en association, la Compagnie des Tiers Lieux, formant réseau et se posant en ressources pour les Tiers lieux développés en Hauts de France. Elle a reçu pour cela un soutien financier de Métropole Européenne de Lille.